La santé mentale, Grande Cause nationale 2025
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La santé mentale a été officiellement désignée Grande Cause nationale en 2025 par le gouvernement français.
Une initiative louable, certes, mais qui soulève plusieurs questions fondamentales sur les réelles intentions et les limites potentielles de cette politique publique.
Reprenons les points clés de cette démarche gouvernementale.
Un diagnostic en quête de catégorisation ?
Le gouvernement affirme que la santé mentale est “une composante indispensable de la santé d’une personne”.
Mais déjà, un premier ‘red flag’ est levé : la santé mentale, comme la santé en général, ne se résume pas à un simple diagnostic.
Le système actuel, avec son obsession de la catégorisation dès l’enfance (dès l’école), semble vouloir enfermer l’individu dans une case.
Or, la santé mentale ne peut exister si on nie l’individualité.
L’individualité étant définie comme :
Caractéristique d’un être (personne ou chose) qui le rend tel qu’il ne puisse être confondu avec un autre être.
C’est un contre-sens : le gouvernement souhaite catégoriser les individus pour mieux les reconnaître, mais l’individualité est précisément ce qui les différencie.
C’est comme vouloir classer les émotions dans des boîtes étiquetées “bonne” ou “mauvaise” - une approche qui ignore la complexité de l’être humain.
Une métaphore l’expliquant est la question suivante :
Lorsque vous faites face à une commode avec plusieurs tiroirs. Qu’est-ce qui est le plus important ? La commode ? Les tiroirs ? Les étiquettes sur les tiroirs ? Ou le contenu de chaque tiroir ?
La réponse est plus complexe qu’il n’y parait ; si on considère le contexte.
- S’il n’y a que 3 tiroirs , on peut supposer qu’il est aisé de savoir ce qu’ils contiennent.
- S’il y a 50 tiroirs, les étiquettes prennent tous leurs sens !
Cependant, au final, c’est bien ce que contient chaque tiroir qui nous importe.
Les étiquettes ou les cases ont leur importance lorsqu’on considère un grand nombre de tiroirs.
Toutefois, in fine on en revient toujours à son contenu car c’est ce qui reste le plus important.
Dans le contexte d’une société il est intéressant de classer en groupes comportant des conditions communes.
Mais ce n’est pas le plus pertinent lorsqu’on s’intéresse à l’individu.
Il ne faut pas pour autant oublier que la théorie des ensembles comprend la possiblité d’intersection d’ensemble. Et bien souvent, un individu est la résultante de plusieurs intersections.
Un outil de référence ou un cadre restrictif ?
Le manuel diagnostique DSM-5 est considéré comme la référence des troubles mentaux. Mais son utilisation en tant qu’outil unique de diagnostic soulève des problèmes majeurs.
Des études ont mis en lumière des conflits d’intérêts entre les psychiatres et les laboratoires pharmaceutiques dans la rédaction de ce manuel :
- DSM-5 en psychiatrie malade de conflits d’intérêts
- DSM : toujours malade de liens d’intérêts
- L’aporie du DSM-5
De plus, la comorbidité est élevée entre les troubles mentaux, et les diagnostics évoluent parfois au fil du temps.
Le problème ? Le DSM-5 diagnostique par typologie, sans prendre en compte le contexte ou l’évolution personnelle.
On classe les individus comme des “objets” plutôt que des sujets en mouvement.
Et ce classement se base sur des critères suffisamment larges pour exister. Une fois encore, on met de côté les spécificités propres à l’individualité.
Une vision trop uniforme ?
Le gouvernement identifie trois dimensions de la santé mentale :
- La santé mentale positive
- La détresse psychologique réactionnelle
- Les troubles psychiatriques
Cependant, son discours semble obséquieux et trop centré sur les “objectifs” sans tenir compte des réalités vécues.
Les troubles neurodevelopementaux(TND) sont particulièrement mal identifiés et surtout , représentés.
“La santé mentale des Français en quelques chiffres” : ce paragraphe, bien que présentant des données, semble volontairement obscurcir les réalités des TND.
Des actions gouvernementales coordonnées ?
Les objectifs affichés sont louables :
- Le développement de la prévention.
- L’amélioration de l’accès aux soins.
- L’accompagnement des personnes concernées.
Mais l’article met de côté des certaines lacunes notables :
- Les médecins généralistes (en 1ère ligne) ne sont pas suffisamment formés.
- Le DSM-5 doit être mis à jour pour prendre en compte les co-occurences.
- La formation des professionnels reste insuffisante et ne prend en compte les (méta)-études récentes.
- Les centres d’accueil ne répondent pas toujours aux attentes.
Un médecin généraliste devrait être en mesure de distinguer une dépression d’un burn-out. Et il devrait aussi pouvoir la codifier.
L’un comme l’autre nécessite une approche particulière, car les causes ne sont pas forcément identiques.
Charge à lui, ensuite, de proposer de passer le relai à un(e) confrère/consœur spécialisé(e). Mais cela ne devrait pas le décharger du suivi de son patient.
Et c’est de cette coordination et de cette complémentarité que pourrait naitre un meilleur suivi et donc une meilleure prise en charge.
On en revient à la théorie des ensembles. La case ‘médecin généraliste’ devrait croiser la case ‘spécialiste’. Ces deux cases ne devrait absolument pas être totalement distinctes.
Les connaissances sont là. Les outils sont disponibles. Les professionnels formés existent (pas en nombre suffisant certes).
Et si, par ses actions, le gouvernement jouait un rôle facilitateur dans les interactions entre les différents professionnels de santé ?
Mon parcours personnel
Pour moi, cette démarche gouvernementale m’a incité à défendre mon droit à être reconnu.
Après un bilan psychométrique (WAIS-IV), j’ai obtenu un rendez-vous à l’hôpital Pitié Salpêtrière.
Un accès qui n’a été possible que grâce à une demande écrite ; appuyée par un courrier en retour de la part du Ministère de la Santé.
Mais obtenir ce rendez-vous a été un combat. Et je ne suis pas le seul à vivre cette difficulté.
Mon récent bilan montre une personnalité possédant un QI à la frontière entre supérieur et très supérieur, avec un Haut Potentiel Intellectuel potentiellement associé à un fonctionnement neuroatypique (TDA, TSA ?).
Et pourtant, les professionnels rencontrés renvoient souvent des stéréotypes :
- “Non mais tu souries et blagues donc t’es pas…”
- “Non mais tu as eu des enfants donc t’est pas…”
- “Non mais tu fais de l’ironie donc t’es pas…”
- “Non mais t’as atteint un niveau professionnel conséquent donc t’est pas…”
J’ai une réponse toute faite à ces remarques :
Viens on échange ! Je prends ta vie et tu prends la mienne !
Une promesse tenue ou un écueil ?
La santé mentale mérite d’être prise au sérieux.
Mais la voie empruntée par le gouvernement risque de reproduire les biais dont on cherche à se libérer ; afin d’appréhender un domaine particulièrement complexe.
La santé mentale est influencée par des facteurs individuels, mais aussi sociaux, culturels, économiques, politiques et environnementaux. La qualité et les conditions de vie, le travail et les interactions sociales peuvent être des facteurs déterminants de l’état de santé mentale des personnes.
Car la santé mentale ne se résume pas à des chiffres, des diagnostics ou des objectifs.
Elle est d’abord une expérience vécue.
Et ce n’est pas pour rien si une de mes citations favorites , est de Vauban :
- Il n’existe pas de forteresses imprenables, il n’y a que des attaques mal menées.
Et alors, me direz-vous ?
Il suffit de lire La santé mentale, Grande cause nationale 2026 pour comprendre que les enjeux se comprennent sur la durée.
Le Gouvernement a décidé de prolonger en 2026 la Grande cause nationale dédiée à la santé mentale. La priorité sera de faire de la santé mentale une réalité tangible dans la vie quotidienne de chacun.
De par mon expérience récente ainsi que l’actualité tumultueuse de cette année, il est évident que 2025 était un simple effet d’annonce.
Est-ce que les choses vont réllement commencer à bouger en 2026 ?
La reconnaissance de l’échec sur 2025 est implicite avec la phrase “La priorité sera de faire de la santé mentale une réalité tangible dans la vie quotidienne de chacun” en 2026.
Chacun comprend ici que 2025 n’était que théorie et que 2026 devrait passer à la pratique.
Cependant,
au moment même où l’on parlait davantage de santé mentale, l’accès au soin continuait de se dégrader
La grande cause a permis de libérer la parole ; elle n’a pas rétabli les moyens de soigner.
La seule vraie question, dans une société dont le fonctionnement est basé sur le capitalisme : Est-ce que les moyens financiers vont être suffisant pour renforcer les moyens humains ?
